La lutte au gaspillage alimentaire s’organise ! Parmi les initiatives nourricières qui émergent un peu partout au Québec, Mauricie récolte se distingue par sa démarche novatrice qui consiste à puiser les surplus de fruits et légumes directement au fond des champs. Tout le monde y gagne : les maraîchers qui font « nettoyer » leurs terres, les cueilleurs-bénévoles qui gardent une partie des récoltes et les organismes communautaires qui garnissent leurs cuisines de produits frais. Portrait d’un projet solidaire, collectif et rassembleur qui fait des petits grâce aux efforts de mobilisation de la TIR-SHV de la Mauricie.
Des tonnes de courges, carottes, oignons, fenouil, maïs, tomates, pommes, fraises et tutti quanti, abandonnés dans les champs parce qu’ils sont moches ou par manque de ressource, échappent désormais à la poubelle grâce aux activités de récolte menées dans trois territoires de la Mauricie.
Lancée en 2018 par l’organisme Maski récolte, l’initiative anti-gaspillage s’étend aujourd’hui aux MRC de Maskinongé, Des Chenaux et Trois-Rivières sous le chapeau de Mauricie récolte. À Trois-Rivières, l’organisme d’agriculture urbaine La Brouette, responsable du projet, organise des cueillettes dans les jardins des citoyens. Dans tous les cas, l’objectif demeure le même : rediriger les denrées rescapées (et comestibles) vers les banques alimentaires, les Maisons de la famille, les écoles, les garderies et les camps de jour.
« Les producteurs embarquent, car ils voient que notre organisation est bien rodée et que nos équipes se chargent de transmettre les consignes aux participants », explique Isabelle Bordeleau, agente de développement à la MRC de Maskinongé, qui s’implique dans le projet depuis les tout débuts. Ouverte à tous les citoyens en forme et volontaires – famille, enfants, aînés –, l’activité profite tant aux organismes œuvrant en sécurité alimentaire qu’aux cueilleurs bénévoles et aux agriculteurs qui peuvent conserver une part des denrées (ces derniers laissent souvent leur part aux plus démunis).
Un projet d’actualité
Avec la pandémie, l’initiative s’est révélée plus nécessaire que jamais, apportant des bienfaits inattendus. « Le projet donne un gros coup de pouce aux banques alimentaires qui sont de plus en plus sollicitées et qui manquent cruellement de produits frais, surtout hors-saison », observe Alexandra Rivard, coordonnatrice du plan d’action de la Table intersectorielle régionale en saines habitudes de vie de la Mauricie. « Avec 800 kg de maïs récupérés localement, on peut produire une grosse quantité de chaudrée, la congeler et la distribuer en novembre », illustre-t-elle.
Le projet a aussi un effet positif sur la santé mentale des producteurs, ajoute Isabelle Bordeleau. « Avec la pénurie de main-d’œuvre, ils sont heureux de voir les bénévoles débarquer dans leurs champs. Ils se font connaître, échangent avec eux. »
Essaimer partout dans la région
Devant la quantité non négligeable d’aliments locaux revalorisés ainsi que les effets positifs collatéraux engendrés, l’opération attire de plus en plus l’attention. Ça tombe bien, parce que Mauricie récolte a le but avoué de poursuivre son expansion à la grandeur de la région, en s’implantant dans les MRC voisines de Mékinac, Shawinigan et La Tuque. « Les MRC nous demandent de les accompagner dans la mise oeuvre du projet sur leur territoire, se réjouit Isabelle Bordeleau. Chacune a son équipe de coordination et ses propres sources de financement, mais on travaille ensemble au niveau du transfert d’expertise et de connaissance. »
Assurer la pérennité du projet
L’enjeu de développement consiste maintenant à pérenniser les initiatives locales déjà en place, à implanter le projet dans les autres territoires de la Mauricie et à optimiser l’utilisation des ressources. Un comité régional auquel participe la TIR-SHV de la Mauricie a été mis sur pied pour trouver des solutions de financement et d’économies d’échelle à plus long terme via un de ses pôles local. Une demande de subvention a été déposée en ce sens au programme alimentation santé du MAPAQ.
« LA TIR-SHV croit fermement en ce projet régional qu’elle accompagne pour en faciliter le développement, indique Alexandra Rivard. Son rôle consiste à favoriser les liens entre les partenaires clés du projet, à identifier des leviers financiers et à soutenir la démarche de pérennisation. »
« On souhaite développer une structure de gouvernance et un volet marchand avec l’aide du Pôle d’économie sociale pour que le projet puisse s’autofinancer, précise Isabelle Bordeleau. À voir toute la mobilisation régionale qu’il suscite auprès des partenaires – TIR-SHV Mauricie, Moisson Mauricie, CIUSSS MCQ, MAPAQ, représentants des différents territoires –, ça promet ! »